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2 septembre 2020

Les derniers moments avec Krim Belkacem

«Les derniers moments avec Krim Belkacem»
Dans cet entretien réalisé par Jean-Jacques Odier, de la Revue Initiatives et changement, Bernard Golay apporte de nouveaux éléments dans l'affaire de l'assassinat du chef de la Révolution algérienne, en Allemagne.
Cette année, l'Algérie fête le Cinquantenaire de son indépendance. Du côté de la France, qui n'avait pas été invitée à la cérémonie officielle, on est resté très discret. Comme le dit l'historien René Gallissot, «la commémoration de cette date est un peu hypocrite. Pour effacer la Guerre d'Algérie qui a été horrible, pour ne pas parler de l'indépendance qui a été accordée, on préfère parader sur la coopération». Le traité d'amitié renvoyé aux calendes grecques, la mémoire de la guerre restant soigneusement sous l'oreiller -le peu d'enthousiasme affiché par le Président Hollande dans ses voeux à la nation algérienne en témoigne - on est un peu gêné des deux côtés.
Toujours est-il que le 18 mars 1962, date de la signature des accords d'Evian, marque une rupture nette. La France quitte sur la pointe des pieds son passé colonialiste, un grand peuple d'Afrique acquiert son indépendance chèrement payée.
Alors que des mouvements, aussi phénoménaux qu'inattendus, font souffler depuis plus d'un an un vent de liberté parmi les peuples du Sud de la Méditerranée, il n'est pas sans intérêt de relater un épisode resté pratiquement inconnu concernant la préparation, du côté algérien, des accords d'Evian.
Je me trouvais récemment chez un ami que je n'avais pas revu depuis plus de quarante ans et qui m'avait invité à déjeuner. Suisse d'aspect tranquille, qu'il faut pousser un peu pour qu'il accepte de parler de lui, Bernard Golay est industriel et globe-trotter, originaire de la Vallée de Joux.
J'avais connu Bernard peu après la guerre alors que nous nous étions engagés tous deux au sein des équipes du Réarmement moral (connu aujourd'hui sous le nom Initiatives et Changement). Il montrait alors un intérêt passionné pour les événements internationaux et faisait preuve de beaucoup d'initiatives dans ses contacts avec le monde politique ou syndical. Il avait d'ailleurs connu,,dans les années cinquante, quelques-unes des personnalités tunisiennes et marocaines qui ont contribué de façon directe au processus d'indépendance de leurs pays.
Une table porte-bonheur
Quand j'arrive chez lui, Bernard Golay m'installe dans sa salle à manger avec ces mots:
«C'est sur cette table qu'ont été préparés (les accords d'Evian!». Je reste incrédule! Pouvais-je en rester là? Je lui demande donc s'il serait prêt à me relater les événements auxquels il a été mêlé. Il le fait de bonne grâce, sensible à l'idée que ce récit pourrait intéresser des Algériens avec lesquels il est toujours resté en contact. Je transcris donc ces faits tels qu'il me les a racontés. Il est dommage que je ne puisse pas reproduire son bon accent vaudois, paisible, qui contraste avec les risques courus à l'époque par l'intéressé.
J.J.O.: Quel lien y a-t-il entre cette table de salle à manger et les accords d'Evian?
Bernard Golay: Au début des années soixante, alors que je m'étais installé à Lausanne, que je m'étais marié et que j'avais démarré une entreprise d'horlogerie, je me suis trouvé en contact avec de jeunes Algériens qui faisaient, en même temps que mon épouse d'ailleurs, des études à l'université. Ils étaient manifestement des militants nationalistes, désireux de travailler à l'indépendance de leur pays. Une amitié s'est peu à peu instaurée entre nous. Ils venaient souvent prendre le repas dans notre appartement. Et ils étaient touchés que nous nous intéressions à la situation de Leur pays.
Nous comprenons peu à peu que les étudiants avaient informé les dirigeants de l'insurrection algérienne de mon existence, car un soir deux d'entre eux amènent chez nous, en janvier 1962, un homme un peu plus âgé, qui me prend discrètement dans un coin de la pièce et me demande: «Etes-vous d'accord de recevoir le patron?» Je réponds oui, mais qui est le patron? Il me donne alors le nom de Krim Belkacem, un des chefs historiques de l'insurrection algérienne, vice-président et ministre des Affaires étrangères du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne, installé à Tunis). Je découvre du même coup que mon interlocuteur s'appelle, lui, Mourad Terbouche, et qu'il avait été désigné chef de cabinet de Belkacem. Terbouche m'explique que Krim est arrivé le soir même en Suisse et qu'il souhaite trouver un lieu discret où il pourrait travailler sur des documents importants. Il me demande: «Seriez-vous prêt à me conduire à Berne pour aller chercher Belkacem?». Je donne mon accord.
Ainsi tu t'engageais dans une démarche tout à fait nouvelle, ne sachant probablement pas où elle te mènerait? Surtout avec un personnage aussi exposé et explosif que Belkacem.
C'est vrai. Terbouche me précise que Belkacem avait été reçu à Rabat par le roi Hassan II et qu'il venait d'arriver en Suisse.
Le lendemain matin, je prends la route de Berne avec ma voiture. Terbouche m'accompagne. Pour éviter que ma voiture ne soit identifiée par les policiers ou les journalistes qui devaient sans doute sunieiller la maison où Krim était arrivé la veille au soir - c'était en fait une ambassade officieuse du GPRA, tolérée par les autorités suisses - nous parquons la voiture près du casino et c'est à pied que nous traversons l'Aar par le pont qui conduit au quartier des ambassades.
Mon passager clandestin
Arrivé devant la maison, je vois l'homme qui nous attend devant la porte. En toute discrétion, une voiture nous emmène, Belkacem et moi - Terbouche reste lui-même à Berne - à l'endroit où ma voiture est parquée et je repars sans tarder avec mon passager clandestin. Tout avait donc été parfaitement organisé pour garantir la sécurité du représentant officiel du GPRA, qui allait être chargé de négocier avec les émissaires du gouvernement français et du Président de Gaulle.
Nous roulons jusqu'à Lausanne sans être suivis. Tout au cours du trajet, nous discutons, une sympathie s'installe entre nous et surtout une confiance réciproque.
Tout cela était quand même bien risqué?
La question de confiance est fondamentale. Si Krim se risquait à me donner sa confiance, il était impératif que je fasse de même.
Ma femme et moi l'accueillons donc dans notre appartement et lui proposons une chambre. En fait, il passera quinze jours chez nous. Nous lui laissons même notre chambre et ma femme et moi nous installons sur des lits de camp ou même allons loger à l'hôtel!
J.J.O.: Et il restera seul chez vous pendant tout ce temps?
B.G.: Non, chaque jour il recevra des représentants des wilayas - les unités territoriales du FLN en Algérie - et des représentants du Front en France, en Tunisie et au Maroc. Il s'agit pour eux de préparer les documents qui stipuleront les exigences algériennes en vue des accords qui doivent être conclus entre la France et le GPRA. Mou-rad ne participait pas lui-même aux réunions; il assurait la sécurité et communiquait avec l'extérieur. Il y avait une discipline remarquable, personne n'est venu distraire les participants.
Et comment gériez-vous, Martine et toi, cette situation pour le moins incommode?
Durant cette période, nous maintenons nos activités habituelles tout en assurant l'intendance de nos hôtes qu'il faut nourrir afin d'éviter qu'ils ne sortent pour aller manger!
S'il faut en juger par le repas que vous venez de me servir, je suis sûr que vos invités ont dû apprécier la savoureuse gastronomie de Martine.
Marine Colay
Vous me flattez!
Le cloisonnement était de rigueur
B.G.: A part les repas, la table de la salle à manger sera donc, pendant ces quinze jours, le support d'un travail acharné qui se fait du matin jusqu'à tard le soir. Nous ne demandons jamais leurs noms aux compagnons de Krim. Ils s'identifient eux-mêmes par des surnoms - le maître d'hôtel, le grippé, par exemple. Nous ignorons totalement où ils se rendent en sortant de chez nous. Peut-être que les étudiants avaient pris soin de leurs déplacements ou qu'ils étaient logés chez des sympathisants à leur cause. Le cloisonnement était de rigueur. Notre téléphone n'a jamais été utilisé pendant cette période. Nous n'intervenons pas non plus dans leurs travaux, mais j'ai des conversations très ouvertes avec Krim sur son passé et sur l'avenir de l'Algérie. C'était en général entre minuit et trois heures du matin!
Le va-et-vient de ces hommes ne risquait-ils pas d'être remarqué par votre voisinage?
Non. Krim n'est jamais sorti de chez nous pendant ces quinze jours. Et ses visiteurs n'entraient et ne sortaient que discrètement, un par un. Il y avait d'ailleurs une station-service au pied de notre immeuble, ce qui entretenait une certaine circulation dans le quartier. Il n'était pas question que nos visiteurs se prêtent à des rencontres à l'extérieur, car immédiatement il y aurait eu la presse et tout un bazar!
Mais vos parents, vos amis, ne se sont-ils jamais trouvés face à face avec vos visiteurs inhabituels? Aucune question posée par un voisin?
Non. Nos parents ne venaient pas nous voir. C'est nous qui allions chez eux. Personne ne nous a jamais posé de questions. A la fin de leur travaux, nos hôtes nous ont quittés comme ils étaient venus, en toute discrétion.
Vers les négociations
Tout cela a duré jusqu'au jour où Krim est parti aux Rousses, petite commune à la frontière franco-suisse dans le Jura, pour rencontrer les émissaires du gouvernement français. Puis, avec l'agrément des autorités françaises, il s'est rendu au château d'Aulnoy, près de Melun, pour rencontrer les cinq dirigeants du FLN qui avaient été kidnappés par la France, leur vol vers le Maroc ayant été détourné. Il devait absolument obtenir l'accord de chacun des cinq prisonniers, dont Ben Bella.
Il a dû certainement se rendre à Tunis,. siège du GPRA, puis à Rabat, où résidaient son épouse et ses enfants. Il aura sans doute aussi rencontré le roi Hassan II pour l'informer de l'état des négociations. Il a été en contact suivi avec le diplomate suisse Olivier Long, qui a organisé les rencontres secrètes entre les deux parties. A partir de ce moment-là, Belkacem et ses compagnons seront considérés comme les délégués officiels du GPRA et seront installés dans une villa au Signal-de Bougy, au-dessus de Rolle, d'où ils seront emmenés chaque jour en hélicoptère vers Evian.
Veille de signature
Je n'ai pas revu Krim pendant les négociations, mais je lui ai écrit une lettre et ai reçu une réponse de lui datée du 17 mars 1962, c'est-à-dire la veille même de la signature des accords, dans laquelle il me disait ceci:
Deux mots pour te dire combien j'ai été touché de recevoir ta gentille lettre qui me rappelle le très bon souvenir de mon dernier séjour chez toi. (...) Merci d'avoir pensé une fois de plus à ma sécurité et à ma protection. De ce côté, je suis en sûreté. Les amis suisses remplissent admirablement bien leur mission. L'Algérie ne l'oubliera jamais. Je te suis, cher Bernard, très reconnaissant pour ton appui constant à ma personne car, à travers mon humble personne, tu soutiens l'Algérie. Notre cause est celle de tous les hommes épris de justice. La cause du droit, de la justice, de la dignité et de la liberté sans laquelle l'homme n'a pas sa raison d'être. Voilà donc l'idéal qui nous anime et la victoire est certaine. Il est une heure du matin, de retour de la conférence, fatigués par la suite d'une journée très chargée. Le travail avance, nous ne sommes pas loin de la fin. Une fin positive. -
Dans le même envoi, Krim écrit aussi à Martine, avec ces mots: «J'ai pu lire dans ta pensée et le tréfonds de ton coeur les joies et les peines que tu partages avec tout le peuple qui lutte et qui souffre, le coeur palpitant, pour la liberté, le bien-être et la justice sur la terre.»
«Bientôt sonnera la paix sur cette partie de l'Afrique, et l'Algérie, qui est en train de saigner depuis plus de sept ans, se rétablira de sa blessure, pansera ses blessures et se mettra en marche pour se reconstruire.»
Quelles lettres magnifiques! Surtout venant d'un homme qui a exposé sa vie depuis plus de sept ans et qui a marqué l'histoire de son pays? Quelle sorte d'homme était Krim Belkacem?
C'était un homme très simple, désintéressé et qui aimait ses semblables. Je suis certain qu'il n'avait aucune ambition politique pour lui-même. Ce qui lui importait, c'était le destin du peuple algérien.
Je me sentais très proche de lui; le massif montagneux - le Djebel - de la Kabylie, dont il était originaire - les soldats français appelaient Krim, leur farouche adversaire, «le Lion du Djebel» - doit avoir des points communs avec ma Vallée de Joux et le Jura!
Pourquoi a-t-il été le seul signataire algérien des accords d'Evian?
Une position courageuse
Parce qu'il était le seul membre du GPRA en liberté et susceptible d'être agréé par la France. A ce titre, il engageait le GPRA et tout le peuple algérien par sa seule signature. Mais avant de signer, Krim a tenu à ce que tous les responsables de la Révolution algérienne expriment leur pleine adhésion aux clauses des accords. Sinon, il ne signerait pas. Mais il est vrai qu'il prenait là une position courageuse et risquée.
Après les accords, les divisions entre dirigeants algériens ont été agitées et même meurtrières. Quelle a été la position de Krim après l'Indépendance?
Après la signature des accords, Krim Belkacem est revenu plusieurs fois chez nous. Une rencontre a notamment eu lieu avec Mohamed Boudiaf qui avait été libéré avec les autres dirigeants algériens prisonniers au château d'Aulnoy. C'est lors de cette rencontre que nous avons pu nous rendre compte de l'ampleur et de la gravité des luttes pour le pouvoir. Le jour même de la signature des accords, Ben Bella et les autres dirigeants arrivaient à la villa du Signal-de-Bougy pour rejoindre les négociateurs. Le responsable suisse de la sécurité était alors le commandant de la police vaudoise, René Huber. Interrogé bien plus tard sur ces événements, ce dernier s'était vu demander par un journaliste: Un visage plus qu'un autre vous a-t-il marqué?» «Oui, a-t-il répondu: celui du Kabyle Krim Belkacem. Il se distinguait des autres. Il me paraissait ardent patriote.»
Tous les membres de la délégation et les autres dirigeants sont retournés ensuite à Alger où avait débuté une âpre lutte pour le pouvoir. Ben Bella devint le premier Président avec le soutien de Houari Boumediene, chef de l'Etat-major de l'Armée de libération nationale (ALN). Krim, pour sa part, est devenu député à l'Assemblée constituante.
Il entrait ainsi dans le jeu politique normal?
Normal, pas du tout, puisque l'encre des accords d'Evian était à peine sèche que les jeux d'alliance et les manoeuvres occultes avaient déjà pris le pas. Deux mois plus tard, le 27 mai 1962, le Conseil national de la Révolution algérienne se réunit à Tripoli pour, en principe, entériner les termes des accords d'Evian. L'ordre du jour est rapidement débordé. Un document préparé à l'avance par Ben Bella et ses acolytes impose le régime socialiste dur comme modèle de développement et le parti unique comme système politique.
Les luttes de clans durent plusieurs mois tandis que la population algérienne, ignorant superbement les affrontements, consacre le 1er juillet par référendum et avec 99,72% de oui l'indépendance de l'Algérie et libère sa joie. Mais les luttes entre clans ne faiblissant pas, Krim Belkacem se retire en Kabylie et crée un mouvement d'opposition au coup de force de Ben Bella. Il est vite dépassé par les événements. Il démissionne de l'Assemblée constituante le 6 septembre 1963 en exprimant ses raisons dans une lettre ouverte au Président de l'Assemblée qui est un appel à la raison adressé au peuple algérien. Il revient à Lausanne où il se lance dans les affaires.
Je mets à sa disposition un pied-à-terre à l'avenue de la Gare, car il se déplace beaucoup. C'est durant cette période que je lui fais rencontrer l'écrivain et journaliste Yves Courrière. Ils travaillent plusieurs jours ensemble pour mettre au point les quatre volumes dans lesquels Courrière retrace en détail la Guerre d'Algérie. Je mets aussi Krim en contact avec des syndicalistes de haut rang Il se rend souvent en Allemagne et surtout en France où il avait gardé des contacts avec certains des négociateurs dont le ministre Robert Buron. A Genève il maintient des relations suivies avec le célèbre chroniqueur René Payot et avec l'ambassadeur Olivier Long, qu'il avait connu quand il était au Signal-de-Bougy.
Durant ces années j'ai pu assister Krim en recevant du courrier pour lui et en tapant à la machine des communiqués que je faisais parvenir aux rédacteurs en chef des organes de presse qu'il m'indiquait.
Une activité particulièrement débordante?
Ce n'est pas tout. Krim avait pris une participation dans une bijouterie à Alger, aussi ai-je pu le présenter à la direction d'une des grandes maisons d'horlogerie suisses qui lui fit le cadeau d'une montre et lui accorda la représentation de la marque en Algérie. Il a pris aussi une participation dans un restaurant à Paris. Il faisait tout cela pour soutenir des amis proches ou des parents. Il avait le souci du développement de l'économie algérienne et de sa modernisation.
Mais, pendant tout ce temps, Krim était très mécontent de ce qui se passait en Algérie avec le coup d'Etat de Boumediene qui avait remplacé Ben Bella à la Présidence. Krim estimait que les accords d'Evian n'avaient pas été respectés, surtout en ce qui concerne les droits démocratiques. C'est ce qui l'a incité à créer avec ses partisans te Mouvement démocratique du Renouveau algérien (MDRA) après l'assassinat de Mohamed Khider, un des chefs historiques de la révolution et détenteur du Trésor du FLN, abattu à Madrid en juillet 1967. Dès lors l'activité politique reprend le dessus accompagnée de mesures de protection. Lors de ses séjours en Suisse, Krim bénéficiait d'une autorisation de séjour et prenait soin d'aviser la police fédérale de ses arrivées.
Le 10 octobre 1970, un samedi matin, nous recevons un coup de téléphone d'une personne inconnue qui demande où il peut atteindre Krim Belkacem. L'interlocuteur précise qu'il se trouve en Allemagne et que c'est urgent.
Dans l'après-midi, Krim m'appelle de Genève, me laisse un numéro de téléphone et demande que ce correspondant l'appelle à 18 heures. Les lundi et mardi suivants, Krim débarque à mon bureau et reçoit des appels téléphoniques d'Allemagne. Le mercredi, il revient avec un billet d'avion pour Francfort et me demande de le conduire à Genève. Je le laisse à l'hôtel d'Angleterre où il a déjà séjourné. Comme il n'a pas envie de voyager la nuit, il décide de partir le lendemain.
Dernier signe de vie
Le samedi suivant, 17 octobre, Krim nous téléphone. N'étant pas moi-même à la maison, c'est Martine qui répond. Krim dit qu'il est à Düsseldorf et qu'il va se rendre à Francfort. «Je rappellerai demain, si je peux» conclut-il. Cela a été son dernier signe de vie.
Le lundi suivant, je reçois un coup de téléphone d'Yves Courrière qui me demande où est Krim. Je lui réponds qu'il est à Francfort et j'entends Yves s'écrier: Ah, les salauds!». Il me dit avoir appris par un communiqué de presse que le corps d'un homme non identifié - car aucun papier n'a été trouvé sur lui - a été découvert dans une chambre de l'hôtel Intercontinental. Le médecin constate que l'homme a été anesthésié et étranglé avec sa ceinture et une cravate. La police allemande me contacte et peut alors identifier la victime. Par la suite, son fils venu d'Alger confirmera qu'il s'agit bien de son père. Une commission rogatoire de la police criminelle allemande viendra à Lausanne pour m'interroger. Trois semaines plus tard, les objets et documents votés sont retrouvés dans un casier à la gare de Francfort. J'ai reçu les copies des fiches d'hôtel des assassins et j'ai informé les amis de Krim de ces détails. J'ai été prié de prendre soin des funérailles pour un premier ensevelissement au cimetière de Francfort.
Beaucoup plus tard, les autorités algériennes ont fait transporter le corps à Alger où il repose avec les autres dirigeants décédés. Il a connu le sort de beaucoup d'autres dirigeants algériens, qui ont étaient éliminés. C'est ainsi que Ben Bella et plus tard Boumediene traitaient leurs adversaires politiques. Sa famille ainsi que Martine et moi-même avons perdu un être très cher. Il nous manque ainsi qu'à sa Kabylie natale et à son pays.
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